Jürgen Klopp, en passe de partir en fin de saison, n'a pas sa statue comme Bill Shankly, mythique entraîneur des Reds des années 1960-70. Mais en huit ans de présence à la tête de Liverpool il a marqué de son empreinte l'histoire du prestigieux club anglais, qu'il a réussi à replacer durablement au sommet.

"Si quelqu'un veut aider le Liverpool FC, il va lui falloir passer de personne qui doute à personne qui croit", avait clamé l'Allemand pour son tout premier jour comme coach sur les bords de la Mersey, en octobre 2015. 

A l'époque, le moral était en berne chez les supporters. Traumatisés par le titre qu'ils avaient laissé filer dans les trois dernières journées de la saison 2013/14, les Reds n'avaient fini que sixièmes la saison suivante et pointaient à une indigne dixième place lorsque l'ex-patron du Borussia Dortmund avait remplacé Brendan Rodgers.

Avec son énergie et son charisme, le technicien allemand a entamé une transformation du club qui évoque celle des années 60.

La liste des trophées glanés sous sa direction donne le vertige et témoigne de la place singulière qu'il a réussi à occuper dans la riche histoire de Liverpool. 

Ligue des champions (2019), championnat d’Angleterre (2020, une première depuis 1990), Cup (2022), Coupe de la Ligue (2022), Supercoupe d'Europe (2019), Coupe du monde des clubs (2019): rien n'aura échappé à Klopp, ce qui donne aussi la mesure du vide qu'il laissera du côté d'Anfield. 

"Si tu es deuxième, tu n'es rien"

"Un grand communicant, un type qui fait le spectacle, un chef de meute": les qualités de Shankly, décrites par Graeme Souness, Red entre 1978 et 1984, sont aussi les siennes.

Si ce dernier a réussi à laisser une telle trace "c'est qu'il ressent l'émotion du lieu. Liverpool est un club chargé d'émotions, avec son histoire, ses tragédies (les drames du Heysel en 1985 et de Hillsborough en 1989, ndlr). C'est cette émotion que vous percevez quand vous allez à Anfield et que vous entendez +You'll Never Walk Alone+", l'hymne du club, poursuit Souness.

"Il incarne tout ce qui fait ce club. Même sans être de la ville, du pays ou du coin, il colle au club", avait jugé Trent Alexander-Arnold, pur produit de la ville et des Reds , devenu sous ses ordres l'un des meilleurs latéraux au monde.

Venant d'un autre club à la relation fusionnelle avec son public - Dortmund, qu'il a hissé en finale de C1 (2013), et son fameux "mur jaune" -, Klopp savait que la ferveur du kop d'Anfield serait un atout majeur. C'est d'ailleurs lui qui vient célébrer les victoires devant les fans, poing fermé et mimique rilleuse.

Un fantôme très présent

L'une des principales forces de l'Allemand a été de voir dans ses échecs, des leçons et des défis, une occasion de rebondir plus haut, plus fort.

Un an après la finale de Ligue des champions perdue contre le Real Madrid, il remporte ainsi l'édition 2019 contre Tottenham - un trophée que Shankly n'a jamais touché.

Un an après avoir échoué à un point de Manchester City, malgré le total faramineux de 97 points en une saison, il conquiert le Graal ultime: le titre de champion d'Angleterre, dont les Reds rêvaient depuis 1990.

Avec sa statue devant le kop, sous laquelle est écrit "Il a rendu les gens heureux" et ses cendres dispersées sur le pelouse après sa mort, l'esprit de Shankly - qui est aussi le nom du principal groupe de supporters du kop -, hante chaque recoin du LFC. Avec ce titre de champion, Klopp s'était lui aussi fait une place de choix dans le coeur des supporters.

La suite aura été plus compliquée avec la domination outrageuse de Manchester City sur la Premier League. En 2022, Klopp n'est pourtant pas loin de réussir un sans-faute mais il échoue en finale de Ligue des champions face au Real Madrid (1-0) et à un tout petit point derrière les Citizens en championnat, se consolant avec les deux coupes nationales. 

Avant même le terme de la saison 2021-2022, son contrat est même renouvelé jusqu'en 2026, signe de la foi des dirigeants de Fenway, les propriétaires américains du club, dans la poursuite de l'aventure à succès avec l'Allemand. Mais malgré une première place en championnat, Klopp, "à court d'énergie", a décidé de s'en aller, prenant tout le monde par surprise et laissant les fans des Reds soudainement orphelins.