Nouvel entraîneur de Monaco, avec qui il est aux commandes de la Ligue 1 avant d'aller à Lorient dimanche, l'Autrichien Adi Hütter a raconté à l'AFP l'évolution de sa philosophie au fil du "long chemin" qui l'a conduit jusqu'en Principauté.

Q: Que gardez-vous de votre carrière de joueur ?  

R: "Je suis satisfait de mes 20 ans comme joueur professionnel, avec notamment le premier titre de champion d'Autriche du Casino Salzbourg et une finale de Coupe de l'UEFA en 1994. Une épopée rêvée, en éliminant le Sporting de Figo, Francfort, le Karlsruhe d'Oliver Kahn, avant de perdre contre l'Inter."

Q: Cette expérience vous aide-t-elle aujourd'hui ?

R: "En devenant capitaine, j'ai appris la communication, la prise de responsabilités. Avant d'entraîner, j'ai aussi fini ma carrière à 37 ans, en aidant les jeunes de l'équipe réserve de Salzbourg. Mais en 2009, quand je coachais à Altach (D2 autrichienne), j'ai compris que je devais travailler autrement, oublier ma vie de joueur. J'ai pris un coach personnel, qui m'a beaucoup aidé. Aujourd'hui encore, je collabore avec un spécialiste des médias."

Q: Car vous avez atteint le haut-niveau européen...

R: "C'est sûr ! Je suis Autrichien et j'entraîne l'AS Monaco ! Pourtant, le chemin pour arriver jusqu'ici a été long."

Q: Vous n'êtes resté qu'un an au RB Salzbourg (2014-15), votre premier club d'envergure... 

R: "Ralf Rangnick (alors directeur sportif, ndlr) avait une idée très claire concernant la façon de jouer sans ballon et il trouvait mon équipe parfois trop mauvaise dans ce domaine. Malgré le doublé coupe-championnat, il voulait améliorer ça de façon radicale. C'était trop pour moi. On a eu une conversation franche. J'ai dit: +Je veux me regarder dans un miroir, reconnaître mes idées, sans trop d'influences extérieures.+ Continuer n'avait aucun sens."

Q: Avez-vous toutefois été marqué par cette philosophie ?

R: "Elle m'aide, oui, à avoir une approche différente. Généralement, un entraîneur cherche à bien utiliser le ballon. Cette philosophie est inverse: que faire quand l'adversaire a le ballon ? Pour moi, la capacité de réaction pour récupérer au plus vite le ballon dès sa perte est essentielle. En 1992, mon entraîneur à Graz (Milan Miklavic) était fan du Milan de Sacchi. Il nous a inculqué cette façon de presser dès la perte de balle. Depuis, j'ai toujours gardé la conviction qu'il fallait savoir quoi faire à la perte. Aujourd'hui, ma philosophie mixe les deux approches. Car si pour onze athlètes, il est facile de récupérer le ballon, la technique reste prépondérante pour marquer."

Q: Après sept ans en Suisse et en Allemagne, avez-vous atteint votre maturité ?

R: Je le pense. A mon arrivée à Berne (2015-2018), je trouvais ce football ennuyeux, sans verticalité. On l'a changé. A Mönchengladbach (2021-22), le problème a été plus compliqué. L'équipe avait une possession stérile. On n'a pas pu faire les transferts escomptés pour évoluer. Le directeur sportif a changé. Ce groupe n'avait plus assez faim."

Q: A Monaco, est-ce différent ?

R: Thiago Scuro (directeur du football) et Paul Mitchell (directeur sportif) viennent de Red Bull. C'est beaucoup plus facile: on a la même vision, on parle le même football, sans perdre d'énergie à convaincre l'autre. Le groupe me satisfait. Certains deviennent clé, comme Minamino. La qualité des jeunes est très supérieure à celle de Mönchengladbach."

Q: Quels étaient vos demandes au mercato? 

R: "Travailler au quotidien avec 28 joueurs ne m'intéresse pas, c'est trop. Ca complexifie les relations, même si une de mes forces est d'être empathique et que j'investis du temps avec ceux qui ne jouent pas. Je déteste dire à celui qui s'entraîne bien la semaine: +Tu seras dans les tribunes+."

Q: Comment gérez-vous le cas Ben Yedder, mis en examen pour viol ? 

R: "Je ne parle que football avec lui, jamais de ses problèmes personnels. Ses performances ne sont pas affectées et son attitude est professionnelle. Il n'y a aucun doute. Je mets les meilleurs sur le terrain. Wissam est l'un des meilleurs. Et je n'ai pas le sentiment que ce sujet soit évoqué dans les vestiaires."

Q: Monaco peut-il viser mieux que le podium ?

R: "Le plus important est de retrouver l'Europe. Le président, la direction sportive, le coach et l'équipe sont alignés, avec un objectif élevé et compliqué: le podium. Au-dessus..."

Q: Le titre ? 

R: (rires) "Oui, on peut rêver, bien sûr ! Parfois, les rêves deviennent réalité. Mais le PSG est quand même très fort!"

Propos recueillis par Christophe BELLEUDI