La milieu des Bleues Kenza Dali explique à l'AFP comment elle s'est protégée des insultes après son tir au but manqué lors du quart de finale du Mondial contre l'Australie cet été: "personne n'est dans mes chaussures", dit-elle, avec détachement.

Question: vous êtes de retour avec les Bleues pour la première fois depuis le Mondial. Quelle était la nature de votre blessure?

Réponse: "J'ai eu une rupture du ligament externe du genou droit pendant le match contre l'Australie. Cette blessure a été vraiment bien traitée par mon club (Aston Villa). On avait soit le choix d'opérer et derrière c'était huit mois d'absence, soit de faire en sorte que le ligament guérisse par lui-même en faisant un travail de musculation. C'est l'option qu'on a choisie".

Q: après votre tir au but manqué en quart de finale du Mondial, vous avez été victime d'insultes sur les réseaux sociaux. Comment l'avez-vous vécu?

R: "Personnellement, cela ne me touche pas (...) Je vis avec. Mais cela touche mes proches. Je vis les choses à fond et cette Coupe du monde m'a amenée très haut dans les émotions: j'ai vécu deux mois avec un groupe incroyable, j'ai eu du temps de jeu... Je suis quelqu'un qui vit pour les émotions et, donc, quand il y a un moment de moins bien, je le vis aussi à fond. Mais je me suis toujours dit que je ne voulais pas laisser quelqu'un de l'extérieur m'affecter".

Q: mais pourquoi avez-vous voulu les évoquer publiquement?

R: "J'ai voulu le mettre en avant pour plein de raisons. La première pour montrer que le football, c'est ingrat: je trouve que ma Coupe du monde a été bonne mais forcément les personnes restent sur ce tir au but. Et il faut l'accepter car si on reste +focus+ sur cela, on ne vit plus. C'est aussi pour dire que tout le monde n'est pas comme moi, que certaines filles dans l'équipe peuvent être vraiment affectées. Quand Hervé Renard m'a rappelée pour ce rassemblement, mon Instagram était de nouveau plein d'insultes. Si cela m'affecte, je ne vais plus exister à chaque fois que je vais porter le maillot bleu".

Q: comment faites-vous pour ne pas être affectée?

R: "Personne n'est dans mes chaussures. Personne ne sait les sacrifices que je fais au quotidien. Personne ne sait ce que tu ressens quand tu te retrouves à la 110e minute d'un quart de finale avec un genou en moins. Personne ne sait que tu te retrouves en face d'une gardienne que tu as côtoyée durant deux ans. Toute ma carrière j'ai pris les pénaltys, c'est quelque chose que je travaille. Personne ne sait ce que j'ai vécu après l'élimination, avec le fait que je ne pouvais pas +switcher+ car j'étais blessée et que mon club me mettait la pression pour guérir vite. Alors, si demain quelqu'un publie +Kenza, tu es nulle+... Bah oui, je suis nulle, je le sais, mon pénalty était nul. Mais je ne laisse pas les gens décider si je mérite d'être là ou pas". 

Q: le fait qu'Hervé Renard vous fasse confiance a-t-il aidé?

R: "On a une relation où on n'a pas besoin de se parler... Il n'a pas besoin de venir me chouchouter et de me dire qu'il a confiance en moi, à partir du moment où il met mon nom sur la liste. Cela aurait été très dur s'il ne m'avait pas rappelée après la Coupe du monde. Mais oui, quand on a la confiance d'un coach, cela change tout. Et je lui en serai éternellement reconnaissante car il m'a permis de vivre des émotions incroyables".

Q: la concurrence en vue des Jeux, avec une liste de 18 joueuses, vous inquiète-t-elle?

R: "J'ai toujours mis l'intérêt du collectif en premier. Il faut être capable de s'adapter, briller collectivement pour gagner la Ligue des nations et ainsi aller chercher ma place dans les 18. Il faut savoir gérer la pression de la concurrence, grâce à la confiance en soi. Si on n'est pas rappelée une fois, il faut se dire +j'ai une autre chance+, il faut la saisir".

Propos recueillis par Alice LEFEBVRE