Une élève d'un collège de Saint-Ouen lors d'un cours sur l'histoire du maillot du Red Star, le 3 mars 2021

"Je ne savais pas tout ce qu'il y avait derrière un club de foot: toute une histoire, qui fait partie de celle de France", s'enthousiasme Kerline, élève de 3e à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) après une leçon basée... sur le maillot du Red Star.

Avec ses camarades du collège Michelet, situé dans la même rue que le stade Bauer, où le Red Star (N1) reçoit Lyon en 8e de finale de Coupe de France jeudi, Kerline Pierre, grande avec des longues tresses rastas, vient d'assister à une heure d'un cours vraiment original.

Le maillot du club de Saint-Ouen de cette saison, enfilé sur un buste en plastique, trône sur le bureau du prof. La fameuse tunique verte à l'étoile rouge d'un des plus vieux clubs français (1897) est imprimée de saynètes retraçant son histoire.

Pêle-mêle, en dégradé de verts, on trouve la Belle Époque, ses joueurs morts au front en 1914-1918 ou sa célèbre HLM triangulaire, "Planète Z", symbole de la construction des grands ensembles pendant les Trente Glorieuses.

Un carnet de onze étiquettes plastifiées de la taille de cartes de tarot est distribué aux élèves, avec au recto un joueur emblématique du Red Star, au verso la période historique qu'il symbolise.

Sagement attentifs sur leurs tables en aggloméré, c'est Rino Della Negra qui intéresse le plus les collégiens, attaquant des années 40, engagé dans la Résistance et fusillé par l'occupant allemand à 21 ans.

- "Le foot, une histoire totale" -

Le prof spécial du jour, Yvan Gastaut, du Musée du sport de Nice, spécialiste de l'histoire de l'immigration, se régale.

"C'est une figure très importante, Rino Della Negra nous raconte plein de choses sur l'histoire de Saint-Ouen, banlieue ouvrière qui accueille de nombreux travailleurs venus de partout, Italiens, Belges, Polonais, provinciaux... Le club va puiser dans ce réservoir de joueurs", développe-t-il, les yeux rieurs derrière ses lunettes.

Une tribune du stade Bauer porte son nom, et encore aujourd'hui les supporters entonnent un chant en son honneur, leur rappelle Steve Marlet, ancien international français, formé au Red Star et devenu le conseiller du président du club, Patrice Haddad.

Gastaut explique aussi le nom du stade Bauer, devant lequel de nombreux élèves passent tous les jours, "un médecin juif et communiste, un Résistant fusillé à 32 ans".

Il évoque René Fenouillère, mort au front en 1916, dont les superbes moustaches ornent le maillot, tout comme la silhouette de Jules Rimet, fondateur du club, premier président de la Fifa (Fédération internationale de foot) et créateur de la Coupe du monde.

Le contenu pédagogique de cette leçon "Maillot d'histoire", portée toute la saison dans des établissements scolaires de Seine-Saint-Denis, a été élaboré avec l'historien Pascal Blanchard.

"Le football est une histoire totale", résume Yvan Gastaut. "Quand on raconte l'histoire du Red Star, on raconte celle de Saint-Ouen, celle du territoire, mais aussi l'histoire globale. On visite les deux guerres mondiales, les questions d'immigration, les origines sociales du football..."

- "Ça change" des cours -

"Et ce maillot spécial fait du Red Star un véritable patrimoine", synthétise-t-il.

Le professeur d'histoire habituel de cette classe, Vivien Sica, a apprécié lui aussi.

"Ce cours nous permet de bien jouer avec les échelles, celle du très local, des rues qu'ils traversent, du stade qu'il connaissent, et de faire le lien avec ce qu'on a pu faire en cours de la grande histoire", estime-t-il.

Les élèves participent avec entrain, la séance de questions, avec la bienveillance de l'établissement, déborde même l'heure de cours, après l'étonnante sonnerie au piano.

Danilo Vujacic, cheveux clairs rasés sur les côtés, "trouve le maillot très beau". Cet élève d'origine monténégrine juge en connaisseur: il porte le survêt' d'entraînement de Manchester City.

"J'ai appris beaucoup de choses, c'est très intéressant, et ça change beaucoup" des cours, enchaîne Tyler Wutezi, qui joue dans les équipes de jeunes du Red Star.

Et les élèves ont même pu parler de la venue de Lyon. "Ce sera un gros match! Le Red Star n'est pas favori, mais il y a moyen de faire quelque chose de grand, qui va rentrer dans l'histoire", conclut Tyler dans un grand sourire.