Sadio Mané et les Sénégalais qualifiés pour la finale de la CAN à l'issue de leur victoire sur le Burkina Faso à Yaoundé, le 2 février 2022

Vaincre la malédiction: Aliou Cissé va tenter pour la troisième fois de remporter une Coupe d'Afrique avec le Sénégal, dimanche en finale contre l’Égypte, après en avoir déjà perdu une comme joueur et une comme sélectionneur.

La question revenait à chaque rencontre avec les médias. Avec encore plus d'acuité à mesure que la finale approchait. Maintenant, il y est.

Il a toujours répondu avec affabilité, même si remontent à chaque fois de cruels souvenirs: son tir au but décisif raté en 2002 (0-0, 3 t.a.b. à 2 pour le Cameroun), la finale perdue sur un but-gag en 2019 contre l'Algérie (1-0).

"Nous avons l'opportunité de faire partie de cette génération qui peut gagner, c'est une motivation, un marathon: croire qu'au bout la lumière sera là", lance le technicien, criblé de flèches par la presse sénégalaise depuis son arrivée il y a six ans.

"Le problème d'Aliou, c'est que dès le départ il a été critiqué", explique à l'AFP Claude Le Roy, sélectionneur du Sénégal de 1988 à 1990, "il n'a pas été légitime pour la plupart des Sénégalais et ça a continué malgré ses résultats, de façon incompréhensible".

"Et s'il ne gagne pas la finale, ce sera terrible", ajoute l'entraîneur aux neufs CAN jouées.

- "Il a pérennisé le Sénégal" -

"Les gens ne retiennent que la victoire, mais le football c'est bien autre chose que ça: c'est ce qu'il a fait lui, pérenniser le Sénégal au plus haut niveau, ce qui est déjà un exploit", reprend Le Roy.

Cissé "a mis de l'ordre, il n'est jamais contesté en interne, qu'il le soit de cette façon là par le public, je trouve ça tellement injuste".

"Pendant 20 ans le Sénégal ne s'était jamais qualifié pour une Coupe d'Afrique" (une seule participation entre 1970 et 1990, NDLR), rappelle le consultant de Canal Plus Afrique. "Quand je suis arrivé, ils avaient tellement honte de leur équipe qu'ils ne l'avaient même pas engagée dans les éliminatoires de la Coupe du monde 1990 ! Il faut avoir un peu de mémoire !"

Cissé lui-même défend son bilan: "S'il y a une progression internationale sur les six ans, le Sénégal en fait partie", souligne-t-il. "On était 14e en Afrique et 64e au classement Fifa quand je suis arrivé, aujourd'hui on est premiers sur le continent et dans le Top 20 mondial".

"Les critiques, c'est le poste qui est comme ça, celui qui viendra après moi y goûtera aussi", philosophe-t-il. "Il ne faut pas tout prendre au premier degré, il faut prendre du recul, savoir faire le dos rond. Et puis il faut savoir se remettre en question", admet-il.

- "Nous courons après depuis 1960" -

"Il faut accepter que la sélection ne m'appartient pas, que 17 millions de Sénégalais ont leur mot à dire, les journalistes aussi", ajoute Cissé.

Des médias ont même salué en conférence de presse ses choix tactiques, et Cissé s'en est amusé: "En six ans, tu n'as fait que me taper dessus, Gomis, ce compliment me va droit au cœur", a-t-il lancé après le quart de finale contre la Guinée Équatoriale (3-1).

"Le Sénégal maîtrise", souligne Le Roy. "Aliou a fait les rééquilibrages tactiques qu'il fallait, ses changements ont été bons. En demies (3-1 contre le Burkina-Faso) il a sorti Pape Gueye pour Kouyaté, ça paraissait évident, il transperçait beaucoup plus".

En quarts, "Boulaye Dia n'était pas très efficace, dès qu'Ismaïla Sarr est entré, ça a changé le match, Aliou était dans le vrai chaque fois qu'il a fait des changements", ajoute Le Roy.

"Ce travail ne pourra être couronné que si cette génération gagne un trophée", tempère Cissé, "nous courons après depuis 1960, avec de très belles générations qui sont passées sans y parvenir"."

Estimant avoir "le privilège" de faire partie de ceux "qui peuvent écrire l'histoire de leur pays dans le foot", Cissé rêve de ramener enfin un trophée: "On n'est pas venus pour jouer une finale, mais pour en gagner une". Enfin.